Lettre ouverte d'une indépendantiste par Patricia
D’abord, je pense qu’il est à propos de faire une petite mise en contexte. Le mouvement indépendantiste québécois n’a rien à voir avec certains mouvements indépendantistes que l’on peut voir en Europe. Il ne concerne pas un groupuscule, mais bien de 39 à 49% de la population selon les périodes. Ce n’est pas un mouvement violent, ni un mouvement raciste. Les indépendantistes désirent se défaire du régime fédéral canadien et assumer seul leur destinée, tout en maintenant des liens forts avec le reste du Canada. Nous ne détestons pas les Canadiens, nous en voulons au fédéralisme tel qu’exercé depuis des décennies. Nous avons toujours clamé notre société distincte au sein du Canada, mais cette reconnaissance n’a jamais eu lieu. Les autres provinces, et du coup le fédéral, n’ont jamais voulu. Il y a eu coup sur coup les échecs des accords du Lac Meech et de Charlottetown au début des années 1990. Je ne vais pas m’éterniser sur cette période pénible de notre histoire moderne, mais soulignons seulement que ces accords visaient, entre autres, à reconnaître le caractère distinct du Québec dans la constitution du Canada. Il y a eu un référendum à l’échelle du Canada sur l’accord de Charlottetown. Un échec cuisant à la grandeur du pays, mais pour deux raisons différentes. Le Québec a voté non, car ce n’était pas suffisant à ses yeux, bref que l’accord accordait trop peu au Québec. Le reste du Canada (surnommé ROC pour reste of Canada) a voté non également mais parce qu’il croyait que c’était trop de reconnaître le Québec comme société distincte. Vous voyez le fossé? Cette grogne nous a mené tout droit au référendum de 1995 où le OUI a perdu par 0.6% seulement !
Le oui a perdu par une différence de seulement 30 000 personnes! Mon cœur a cessé de battre lorsqu'à la télé les votes commençaient à rentrer en faveur du OUI! Je me suis imaginée un pays pendant quelques minutes... je m'imaginais perdre les Rocheuses... je dis seulement durant quelques minutes car les votes de Montréal n'étaient pas encore compilés et que j'ai vu ainsi l'avance du OUI fondre à vue d'œil telle une banquise du Labrador approchant l'Équateur. Nous sommes passés si près...49,4% des Québécois avaient cette année-là le même rêve que moi : un Québec libre! Le lendemain, je ne voulais pas sortir de chez-moi, je ne voulais pas affronter la foule, la gang de poules mouillées qui n’avaient pas eu les couilles de s’assumer! Cette journée là je n’était pas du tout fière d’être Québécoise. Ce moment m’a laissé un goût vraiment amer dans la bouche, et aujourd’hui encore je n’en suis pas tout à fait revenue. Mais je me suis raisonnée avec le temps en me disant que c’était la démocratie qui l’avait emportée, qu’on avait la chance de vivre dans un pays pacifique et que je n’allais pas péter la gueule à mon voisin parce qu’il affiche son gros drapeau rouge canadien dans sa fenêtre!
Bon, si on passait aux vraies affaires : WHAT DOES QUEBEC WANT se demandent nos amis canadiens ? Bref, pourquoi donc l'indépendance ?
D'abord je tiens à spécifier que je ne suis pas de cette minorité de péquistes (personnes qui votent pour le parti indépendantiste appelé Parti Québécois) qui veulent d'un Québec francophone fermé sur lui-même au point d'avoir les poils qui frisent sur les bras juste en entendant le mot ANGLAIS. Non! Le Québec je le veux ouvert sur le monde, bilingue et même trilingue! Je le veux ouvert aux immigrants, que ceux-ci soient vus comme une richesse inestimable. Un Québec multiculturel qui pourrait décider lui-même de sa destinée. Quand vous êtes une nation de 7 millions d'habitants à majorité francophone noyée dans une mer de près de 350 millions d'anglophones et que votre voisin s'appelle les États-Unis, il est légitime de s'inquiéter. Si le Québec n'a pas encore été assimilé c'est parce qu'il s'est battu depuis le début pour garder sa langue et sa culture.
Pourquoi l'indépendance ? Parce que politiquement nous ne possédons pas les leviers politiques vitaux à notre survie. Le gouvernement d'Ottawa possède en effet juridiction dans les domaines suivants: économie, commerce extérieur, défense, crédit bancaire, immigration, droit criminel, etc.. Le Québec n’a pas besoin de remorquer le Canada en payant pour faire vivre les provinces des Maritimes. Puis il y a les dédoublements. Un rapport d’impôt fédéral et provincial. Deux paliers de gouvernement qui coûtent des prix de fou. On n'a pas besoin de deux ministères de l’environnement, deux ministères des Transports, deux ministères du revenu etc. Tous ces argents pourraient rester dans nos coffres et décider de ce qui est bon pour nous. Avez-vous une idée du coût de cela? Surtout qu’il y a toujours des chicanes à savoir où la juridiction de l’un débute et où elle se termine. Seul le Québec sait où sont ses priorités, pas le gouvernement central du Canada qui plus souvent qu’autrement fait tout pour étouffer les désirs d’émancipation du Québec.
De plus, toute loi provinciale peut être refusée si Ottawa le juge bon. D'ailleurs, suite au référendum de 1995 où le Québec est passé à un cheveux d'être indépendant, le gouvernement fédéral du Canada, avec à sa tête le Premier ministre Jean Chrétien (dont je déteste à m'en confesser), a passé une loi pour que dorénavant nous devions avoir 60% des votes pour devenir indépendant! JE RÊVE! La démocratie partout au monde veut dire 50% + 1... sauf au Canada! Encore une belle "crosse" passée par nos amis les fédéralistes. Chrétien et sa belle "gang de malades" sont en train de trafiquer les règles démocratiques reconnues mondialement exception faite des pays totalitaires. Si Terre-Neuve a adhéré à la confédération après deux ou trois tentatives avec un résultat d'environ 51% et si lors du dernier référendum au Québec le 50.6 % des fédéralistes était acceptable, pourquoi de tels résultats ne seraient pas valables dans le cas d'un oui au prochain référendum ?
Le gouvernement fédéral étant complètement acquis aux intérêts des anglo-saxons, qui y détiennent une majorité constitutionnelle et pratique écrasante, ils ne servent que peu les intérêts des Québécois. Les gens de l’ouest n’en ont rien à cirer d’un pays bilingue et je les comprends. Pourquoi parler français? Pour une province située à 5 000 km de la Colombie-Britannique? Ce qui fait qu’à l’extérieur du Québec (sauf au Nouveau-Brunswick) on a des énormes difficultés de se faire servir, même au gouvernement fédéral dans notre langue! Vive le bilinguisme! Le bilinguisme au Canada est une utopie! Déjà les Canadiens de l'Ouest souhaitent la fin du bilinguisme officiel. Seul le Québec peut assurer l'avenir de la langue française en Amérique.
Un petit fait divers : lorsque j’étais à l’université, dans le système travail-études dont je faisais partie, nous avions des stages, entre autres, au gouvernement fédéral. Un jour, une offre de stage fût affichée en provenance d’un ministère fédéral à Ottawa. Ils voulaient un stagiaire. Notre université n’était pas seule en compétition. Ils avaient demandé des candidats d’une université Ontarienne également. On pouvait lire dans les exigences :
Université de Sherbrooke (mon université francophone) : Parfait bilinguisme Université de Waterloo (université ontarienne anglophone) : anglais seulement
C’était pour le même poste!! Alors on exigeait au Québécois d’être parfait bilingue pour postuler et pour l’Ontarien il n’était pas nécessaire de connaître un criss de mot en français! Résultat : ils ont pris l’anglophone.
Je ne crois plus en nos chances dans ce pays. Je suis écœurée des éternelles chicanes constitutionnelles Québec-Ottawa. Il est temps de passer à autre chose. Des millions de dollars sont dépensés par ces guerres de drapeau. Gardons notre argent et investissons dans la santé et le reste qui en ont grandement besoin. On va arrêter d’aller quémandé notre dû à quatre pattes devant le fédéral qui nous regarde de haut tel un roi sur ses colonies.
Dans le chapitre guerre des drapeaux, l'an passé le premier ministre du Québec a refusé une subvention de 18 millions de $ de la part du gouvernement canadien pour la rénovation de l'Aquarium de Québec. La raison? Ottawa exigeait de faire flotter le drapeau canadien en face de l'immeuble pour les 50 prochaines années! Pour le premier ministre du Québec, Bernard Landry, s'en était trop et il a déclaré que le Québec n'était pas à vendre pour des bouts de chiffons rouges (lire le drapeau canadien) !
Selon les études, un Québec souverain deviendrait le 6e partenaire économique des États-Unis d'Amérique. Tous les échanges commerciaux avec les autres pays continueraient. Pourquoi cesseraient-ils? Le Québec a énormément de ressources. Beaucoup de pays en ont beaucoup moins. Ressources naturelles et technologiques. Nous sommes dynamiques. Pour un peuple de 7 millions, je trouve que notre rayonnement international est pas mal fort (y’a pas juste Céliiiiine). Imaginez si on avait les leviers nécessaires pour se représenter nous-mêmes dans le monde entier! Nous avons seulement droit aux Délégation générale du Québec à l’étranger, ce qu’aucune autre province ne possèdent au pays. Et encore, le fédéral aimerait beaucoup les faire fermer! Il n’aime pas trop que le Québec se représente seul et ait son propre ministère des Relations internationales. D’ailleurs, autre anecdote, lorsque Québec a reçu le Sommet des Amériques l’an passé, le gouvernement fédéral n’a jamais voulu que le Québec, hôte de l’événement, ne s’adresse aux dignitaires! Allez hop à la trappe le Québec , le méchant petit mouton noir du Canada trop émancipé aux yeux des puritains d’Ottawa.
Dites-vous que tout ce que le Québec a acquis en terme de compétence provinciale, il ne doit rien à Ottawa! Il a dû arracher un à un tous ces « privilèges » légitimes tels le choix d’une partie de son immigration, formation de la main d’œuvre etc. Ces acquis ont souvent pris des années de querelles avant de les obtenir. Je suis tannée de devoir aller manger dans la main du fédéral pour pouvoir adapter nos réformes à notre réalité!
Je n’ai pas grand chose en commun point de vue culturel avec nos amis des provinces de l’Ouest. Quand je regarde leur Gala de la musique canadienne The Junos, je réalise que c’est un autre pays. Les chanteurs les plus populaires de leur pays, j’en ai jamais entendu parler! Alors qu’eux sont en train de s’évanouir. Allez hop ils se dépêchent de « passer » la partie francophone pour fermer la trappe du Québec : une petite chanson en français et si on est chanceux, elle sera diffusée en ondes.
C’est pour ça qu’au Québec nous sommes la seule province à avoir nos propres remises de prix : pour la musique québécoise, le cinéma québécois, le théâtre, l’humour, la télé. Nous sommes la seule province à avoir une fête nationale, en plus de celle du Canada. C’est elle, la vraie fête pour nous. Le 24 juin, c'est là que ça se passe! Le 1er juillet, fête du Canada, est plutôt synonyme de déménagement pour les Québécois. En effet, c'est la journée où les Québécois en profitent pour changer de logement. Tout compte fait, ça toujours fait mon affaire d'être occupée à soulever des boîtes cette journée-là... ça me permet d'oublier que certains doivent certainement être en train de chanter le Ô Canada, une larme à l'œil, en se disant que c'est le plusssssss Bô pays du monde!
Je suis certaine que les relations avec le Canada seraient nettement meilleures dans l’avenir si le Québec se séparait. Enfin, les querelles Québec-Ottawa n’occuperaient plus toute la place à la Chambres des Communes. Nos amis anglophones en seront très heureux. Le Canada et le Québec pourront enfin aller de l’avant et devenir de bons partenaires.
J’ai essayé de m’attacher à ce pays, pour ce faire j’ai parcouru le pays en entier. J’ai même résidé quelques mois en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve. Niet... que dal... pourtant j'ai bien pensé qu'en voyant les Rocheuses canadiennes, je me mettrais peut-être à chanter le Ô Canada et à rêver d'un pays uni sans querelles Québec-Ottawa. J’aime bien nos amis canadiens (sauf celui qui m’a chassée de son gros pick-up lorsqu’il a su que j’étais une sale frog du Québec), mais je ne vibre pas du tout au rythme de la police montée, de Shania Twain, et des Rockies Mountains.
Bref, je me suis toujours sentie Québécoise en premier lieu et ensuite, très loin derrière, Canadienne.